Mon petit Charles-Henry n’avait que 3 ans en 1914.

Voici Gilberte qui avait quelques mois quand la guerre a commencé.  Le 22 août, je suis seule à la maison avec mes deux petits.  Suis mon périple sur le plan de Ethe…

Cette photo a été prise à la fin de la guerre. Comme tu vois, mon mari est absent de la photo.  


Le Pâquis Je m’appelle Marie Niclot Rue des Roses

Maison de Marie Niclot et de J.-B. Henry

Soudain, de violents coups de poings contre la porte … Aussi vite, les enfants se mettent à pleurer. Je tente de les calmer mais en vain. La porte se fracasse sous la pression des coups de pieds: les Allemands sont à l’intérieur; nous nous retrouvons nez-à-nez.  Je ne connais pas un mot de cette horrible langue mais je comprends qu'il nous faut sortir.  J'attrape Charles-Henri de la main gauche tandis que Gilberte hurle, blottie dans le creux de mon bras droit. Nous sortons en plein jour; je plisse les yeux, éblouie par le soleil. Là, je reconnais mes voisins et bien d'autres encore. Nous sommes plusieurs dizaines: hommes, femmes, enfants de tous âges. Que vont-ils faire de nous?


Mais mon répit est de courte durée… Soudain, les soldats nous mettent en joue. Je crois ma dernière heure venue et embrasse une dernière fois mes enfants.  Puis, un miracle se produit. Hélène Gavroy brandit au nez des Allemands un document attestant qu’elle a secouru un officier blessé. La seconde qui suit, ils nous ordonnent de filer…


Nous sommes sains et saufs et libres;  j’ai bien du mal à le croire. D’autres habitants ont eu moins de chance…  Mais ma maison a été incendiée; nous n’avons plus de toit. Où aller à présent?

Nous traversons la rue: direction la sortie du village. Où nous emmènent-ils? A hauteur du Pâquis, ils nous font arrêter. Un soldat, qui semble ivre, s’approche de moi. Je ne m’en étais pas rendu compte mais les bandes de tissu qui enserre ma Gilberte traînent à terre. . Ce matin, dans la précipitation du départ, je n'ai pas eu le temps de refaire convenablement son maillot. Le soldat marche dessus délibérément. A chaque fois, ma Gilberte manque de glisser et je la rattrape de justesse... Elle hurle tandis que le soldat, enragé, écrase de son pas le plus lourd les tissus tombés sur le sol. Ce jeu macabre me semble interminable.  Enfin, comme s'il cessait de l'amuser, il prend fin... Le soldat s'éloigne vers d'autres victimes...



Gaumais, prisonniers en Allemagne Marie Niclot

En réalité, Jean-Baptiste a été fait prisonnier sur le front de l’Yser et  emmené en Allemagne, à Soltau, un camp qui renferme nombre de prisonniers de guerre. Découvre son histoire en cliquant sur cette icône.

Table2

Je suis l'épouse de  Jean-Baptiste Henry. Il est originaire de Belmont. Son père, Honoré, garde-champêtre, était bien connu dans le village. Avant guerre, Jean-Baptiste travaillait, comme beaucoup d’hommes du village, dans une usine, en France. C'est un homme instruit et un excellent musicien. Il joue du violon mais aussi du piano. Il fait partie de l’Harmonie Saint-Pierre. On habite la rue des Roses, dans le quartier du Bout Haut d'Ethe; dans une ancienne maison que ma famille possède depuis le XVIIIe siècle. C'est dire si elle a vu des générations de Ethois défiler...

En 1914, à la veille des événements tragiques qui vont bouleverser nos vies à jamais, nous avons déjà deux enfants: Charles-Henry, mon aîné, est âgé de trois ans. Et puis, il y a Gilberte, qui n'a encore que quelques mois: elle est née à la fin du mois de janvier mais elle est robuste et en bonne santé. Dès que les Allemands sont entrés de force dans le pays, Jean-Baptiste a été mobilisé et envoyé à Namur. Me voici seule avec deux petits…


Notre quartier est au cœur des combats. Près de 8 000 hommes s’affrontent dans un incroyable vacarme. Soudain, j’aperçois un gradé français étendu sur le rebord de la fenêtre; Je lui demande de s’en aller; je crains qu’il n’attire l’attention des Allemands et que nous nous fassions tuer. Après les combats, Gilberte, Charles-Henry et moi-même nous sommes restés terrés dans la maison, nous attendant au pire…

Coll. privée