Nous sommes toujours le 21 août en début de soirée. La troupe française afflue dans Virton. Il en remonte du "Moulin". Ce sont ceux qui par le plateau de Solumont se sont avancés vers Bampont et ont tiré sur les derniers Allemands qui se retiraient. Je suis toujours au carrefour de la Place Verte. Je vois passer devant moi une compagnie française avec un lieutenant qui agite fièrement un "Mauser" comme trophée de victoire. Un peu plus tard, le camion bâché de jean Schmidt revient avec des blessés. Il y a le lieutenant d'Abboville et un Allemand blessé à la jambe ou au pied. Une foule de curieux accompagne le camion jusqu'à l'Hospice civil (ancien couvent des Récollets devenu Musée Gaumais) Quand le soldat allemand apparaît, quelques cris hostiles, mais on interviendra pour imposer silence. Revenu dans le centre de Virton, il y a des soldats partout où le cantonnement s'organise. Je rentrerai chez moi pour trouver quelques soldats dont un jeune très enthousiaste qui a participé à la fusillade du "Pré Jacquet" et qui ne cesse de s'animer tandis que ses camarades plus calmes se réconfortent en prenant quelque chose. La fatigue sera générale. Un peu d'apaisement surviendra quand il y aura moins d'agitation.
« À 15 heures, je franchis la frontière à Velosnes (...). Puis, après avoir suivi une route qui grimpe le long des escarpements du Luxembourg belge, on arrive à Lamorteau. Ici, l'accueil dépasse tout ce qu'on peut imaginer. On nous donne en passant du vin, de la bière, du lait ! La joie rayonne sur tous les visages de ces pauvres belges dont nous sommes le suprême espoir. (...) J'achète une foule de choses : gâteaux, bonbons, sucres, cartes à jouer ; c'est pour rien : 15 centimes le jeu de cartes. On boit de la bière avec plaisir, car on a grand'soif : on mange de la crème, etc. (...) Nous poursuivons notre route. À 15 h 45, on arrive à Harnoncourt. C'est là que l'on doit cantonner ».